Nous partons à nouveau très tôt aujourd’hui pour Ta Prohm. Ici le végétal épouse le minéral, l’étreinte de la jungle est visible, c’est l’image mythique des temples d’Angkor! En cette heure matinale, il y règne une atmosphère très particulière et mystérieuse. Au fil des siècles, les racines des fromagers et des figuiers ont pris possession des lieux, étranglant les portes et les galeries en ruine, s’insinuant dans tous les interstices. C’est la volonté de l’Unesco, qui régit Angkor, de laisser ce site tel qu’il a été découvert. Ici les fromagers sont rois. Ils sont partout, impressionnants par leur hauteur et leur ampleur. Les racines de ces arbres immenses envahissent petit à petit la pierre. Leurs racines sont vraiment caractéristiques, l’extrémité de celles-ci nous fait penser à des doigts d’aliens.
Ces arbres ont parfois détruit, parfois soutenu les murs. Un lent combat entre nature et architecture… Le résultat est de toute beauté. Ta Prohm est un endroit superbe et poétique par la présence de cette forêt protectrice et Ta Prohm ne serait pas Ta Prohm sans cette végétation qui semble l’absorber. On y ressent un peu l’émotion éprouvée par les premiers découvreurs. Parmi tous les temples à visiter à Angkor, Ta Prohm est à notre avis le plus émouvant, le plus esthétique, le plus fascinant !
Nous continuons par Banteay Srei où subsiste un des plus impressionnants joyaux de l’art Khmer. Erigé au Xème siècle, ce petit temple de grès rose dont le nom signifie la citadelle des femmes renferme d’éblouissants linteaux sculptés en très bon état de conservation. Le nom fait référence à la délicatesse du décor sculpté qui n’aurait pu être fait que par des femmes (?). On accède au temple après avoir franchi plusieurs gopura – portails finement ouvragés. Le temple est relativement petit, et construit sur un seul niveau. 
Il est composé de trois tours précédées d’un vestibule –mandapa – et entourées de deux bibliothèques dans lesquelles étaient entreposés les textes sacrés. André Malraux le rendit célèbre au début du XXème siècle après en avoir volé des têtes d’Apsara qu’il dut restituer en 1923. L’affaire a de quoi surprendre, surtout quand on sait que quelques décennies plus tard, l’intéressé deviendra ministre de la culture, en charge, entre autres, de la protection du patrimoine! Tous les motifs sculptés atteignent un sommet dans le raffinement et l’invention. Les Apsaras, qui jouent ici le rôle de gardiennes et qui avaient tant plu à Malraux sont sublimes.
L’après midi nous visitons encore le Preah Khan temple (temple de l’épée sacrée). Le Preah Khan était en fait une véritable ville. Malgré le vandalisme et le pillage il reste encore quelques sculptures superbes. La ville abritait 10.000 personnes, 1000 danseuses et une grande école de Sanscrit. À l’origine, le Preah Khan fut construit comme un monastère bouddhiste, puis transformé en temple de l’hindouisme sous Jayavarman VIII.
Les murs couverts de bas-reliefs représentent ses grandes batailles ou des scènes religieuses. Le temple est entouré d’un mur d’enceinte ouvert aux quatre points cardinaux par des gopura (portes d’entrée) monumentaux, dont le plus important est celui de l’Est.
Toutes les statues de Bouddha furent détruites par les Brahmanes (prêtres hindous) et remplacées par des représentations hindouistes. Il ne subsiste qu’un seul Bouddha. Pour arriver au centre du Preah Khan, nous passons une enfilade de galeries et de portes de plus en plus basses à mesure que nous approchons du centre (eh oui, pour montrer son respect il faut se baisser !).
Au milieu, on découvre un grand Stûpa bouddhiste en pierre, ainsi que de superbes sculptures des dieux barattant la mer de lait. On y voit également les représentations de Vishnu et de Lakshmi son épouse ainsi que les trois Lingams (sexe des Dieux) de Shiva, de Brahma et de Vishnu.
On retrouve comme au Ta Phrom, une végétation luxuriante qui a repris ses droits. Deux arbres géants ont poussé sur la toiture d’un gopura. Leur grande hauteur et leur position inclinée défient les lois de l’équilibre, car ils sont uniquement « amarrés » par leurs longues racines qui coulent de la toiture pour serpenter ensuite sur le sol.
Le Neak Pean, que nos allons voir maintenant, est également appelé Nâga enlacé. C’est un petit temple bouddhique qui se situe au centre d’un ingénieux système de bassins encore alimentés en eau aujourd’hui. Il fut construit par Jayavarman VII (encore lui !). Un grand bassin central est relié a quatre autres bassins plus petits qui représentent les quatre grands fleuves de la terre aux quatre points cardinaux avec chacun une gargouille : le lion, le cheval, l’éléphant et l’homme. Au centre du grand bassin, une « île » circulaire sur laquelle est édifié le temple est entourée de deux nâgas. Les têtes des serpents forment l’entrée, leurs queues entremêlées ont donné son nom au temple. Le site est supposé représenter l’univers dans la cosmogonie khmère, avec le mont Meru au centre des quatre océans.
A la saison des pluies les bassins se remplissent et le miracle se reproduit, le temple devient une île sacrée qui semble inaccessible. Il paraît qu’on s’y rend encore à la nage pour se purifier et déposer quelques offrandes sur les marches du temple (actuellement il y a très peu d’eau!). Cette continuité cultuelle fait la beauté de nombreux sites d’Angkor où l’on trouve beaucoup de temples encore fréquentés par les fidèles.
Sur le chemin du retour le guide nous arrête dans un village où l’on fabrique du sucre de palme et nous explique le processus de fabrication. Tout le long de la route il y a des palmiers à sucre. Ces arbres immenses peuvent atteindre 35 mètres de haut ! Les longues inflorescences sont actuellement en fleur et on peut acheter un peu partout les fruits de forme ovoïde et de couleur marron. A peine fabriqué le jus de palme est vendu par des fillettes en bord de route.
Nous rentrons à l’hôtel vers 15h, encore une fois – nous avons un peu honte de l’avouer- nous frisons l’overdose de temples. Ça ira mieux après une douche, un petit tour à la piscine et une heure de massage : dos, nuque et tête dans une ambiance très zen. Super !

