Nous faisons route vers Khajurâho, un village de l’état du Madhya Pradesh. Rendu célèbre par Rudyard Kipling qui y a vécu avant d’écrire le livre de la jungle, l’état du Madhya Pradesh est injustement peu fréquenté par les voyageurs. Enclavé entre le Rajasthan et la vallée du Gange il mérite que l’on s’y attarde bien que les routes ne soient pas en très bon état.
Vu l’état des routes, nous n’arrivons à Khajurâho qu’en fin d’après-midi, la visite des temples est au programme demain.
Classés au patrimoine mondial de l’humanité, la renommée des temples de Khajurâho dépasse les frontières de l’Inde grâce à leurs fameuses sculptures érotiques. Les temples furent érigés sur une période s’étalant du 10ème au 13ème siècle par la dynastie des rois Chandela.
On en comptait 85 à l’origine mais 22 seulement subsistent de nos jours. Ces temples sont divisés en trois groupes dits ‘groupe Ouest’, ‘groupe Est’ et ‘groupe Sud’. Ils n’ont été redécouverts qu’en 1840 tant ils étaient envahis par la jungle. C’est pour cette raison aussi, qu’ils n’ont pas été abimés par les musulmans et sont si bien conservés.
Assez étonnant pour des lieux lieu de culte jain et hindou que ces temples recouverts de scènes érotiques, des plus acrobatiques qui soient. Mais les religions asiatiques sont bien plus ouvertes sur le sujet que nos religions occidentales.
Plusieurs théories ont été émises pour expliquer la présence de telles sculptures dans les temples hindous. La thèse spirituelle : les sculptures sensuelles rappellent que l’énergie sexuelle doit être transcendée pour atteindre un état d’éveil spirituel. Le point vu du tantrisme : le sexe est sacré, il reproduit l’acte ultime de la création. Certains disent aussi que ces temples avaient une valeur éducative. Parler de sexe peut être considéré comme tabou. L’art du sexe peut donc être appris à travers ces sculptures.
Une imagination débordante a permis aux sculpteurs de recouvrir chaque recoin des temples, de sculptures divinement ciselées. La femme est mise à l’honneur dans ses formes les plus voluptueuses avec un réalisme saisissant.
Notre guide local nous montre tous les détails : une femme qui se remaquille, un personnage qui fait semblant de ne pas regarder un acte sexuel, un couple qui joue avec un singe, une scène militaire, une accolade entre Shiva et Parvati, etc. Nous sommes impressionnés par la perfection de ces temples. Les détails sont présents par milliers, on ne sait presque pas par où commencer à regarder.
Nous reprenons la voiture pour aller tout au bout de Khajurâho, à l’opposé des temples érotiques, pour visiter les temples jains. Au nombre de trois, le temple d’Adinath, le temple de Parshvanath, le temple de Shantinath, ils sont plutôt calmes et peu visités.
Nous avons aimé nous y balader pour découvrir l’architecture singulière de ce genre de temple et les petites statues noires de jais très typique du culte jain. La précision des statues y est impressionnante. Certaines statues les plus sensuelles de Khajurâho s’y trouvent comme la femme s’enlevant une épine du pied et celle qui se maquille les yeux.
Les Jaïns se divisent en deux branches: les Shvetambara et les Digambara. Les moines et nonnes Shvetambara portent des robes blanches. Les nonnes Digambara portent elles aussi des robes blanches, Par contre, les moines Digambara vivent nus en signe de détachement du monde.
Dans le temple d’Adinath nous avons vu une mignonne petite chouette qui se cachait dans une cavité du mur.
Ces temples de Khajurâho nous ont séduits par leur architecture originale et par les splendides iconographies des dieux, déesses, nymphes célestes dont les blanches statues, parent les murs.
Notre guide local nous propose pour terminer la visite d’aller voir les ateliers de sculptures qui se trouvent dans le village de Khajurâho. Les ouvriers sont au travail et il y a bien sur aussi un magasin qui vend des sculptures aux touristes. Bon, on s’est un peu fait avoir ! Malgré tout, nous trouvons une petite vache qui nous plait bien et nous rappellera les magnifiques temples de Khajurâho.
De retour à notre hôtel, nous nous reposons un peu dans notre chambre car il commence à faire très chaud. Nous ressortons en fin d’après midi pour aller à pied jusqu’au village. A peine arrivés sur la route, deux jeunes nous abordent en français et proposent de nous emmener voir le vieux village de Khajurâho. Après négociation pour le prix du tuk tuk, nous y allons. Les jeunes sont sympas et parlent un français tout à fait compréhensible. L’un monte avec nous en tuk tuk et l’autre suit en moto.
Le vieux village est organisé en quartiers selon les castes, il est propre et les gens sont accueillants. Nous rigolons ensemble, échangeons sur la vie dans le village tandis qu’ils nous montrent les différents quartiers et certaines cours intérieurs des maisons.
A coté des portes d’entrée des maisons il y a des chiffres qui nous intriguent. Nous apprenons que ce sont les dates auxquelles les habitants de la maisonnée ont été vaccinés contre la tuberculose. Ingénieux, c’est l’Inde !
Le sol des ruelles est en bouse de vache mélangée à de l’eau ce qui donne une sorte de ciment qui parait-il éloigne les moustiques. La bouse de vache est très utilisée partout en Inde pour le chauffage, pour crépir les murs ou enduire les sols en terre battues. Il y a même quelque chose de sacré, les gens la touchent sans hésitation.
Nous nous retrouvons dans la maison du maire du village (?) qui nous attendait sur le pas de la porte sans doute prévenu par un coup de fil d’un de nos guides. Il nous fait visiter sa maison et propose de nous faire voir son trésor d’Ali baba…….c’est à ce moment que je comprends que nous nous sommes fait avoir !
Il nous emmène dans son grenier ou s’accumulent de nombreuses sculptures et autres jolies choses qu’il veut nous vendre à prix fort bien entendu. On a quelques doutes sur la provenance (pillage ?). Le discours vire rapidement au misérabilisme, c’est assez désagréable. Pour en finir nous achetons un petit chameau et repartons bien vite prétextant qu’on nous attend à l’hôtel.
Nous ne regrettons pas cette petite visite hors des sentiers battus, c’était plaisant et intéressant ! Nous avons passé un bon moment avec ces deux jeunes au milieu des habitants souriants et ravis de dire un petit bonjour à des étrangers de passage.