Nous quittons notre sympathique chauffeur Guma ce matin à l’aéroport de Khajurâho, il reprend la route pour Dehli alors que notre guide nous accompagne à Vârânasî, une étape que nous appréhendons un peu. A peine arrivés à Vârânasî,nous plongeons dans la circulation dantesque, tonitruante de cette ville extrêmement polluée.
La gorge et les yeux piquent, on se demande dans quel état sont les poumons de ceux qui vivent ici. Nous rejoignons notre chambre d’hôte, ce sont des brahmanes qui nous hébergent pour deux nuits. C’est simple mais très propre et l’accueil est chaleureux.
Située sur la rive gauche du Gange, Vârânasî (anciennement Bénarès) est l’une des sept villes les plus anciennes et les plus sacrées de l’Inde. Elle est aussi considérée comme la capitale spirituelle de l’Inde. Ce n’est pas une ville que l’on visite, c’est une ville que l’on ressent… elle parle à l’âme de ses visiteurs.
La légende tirée des textes sacrés hindous raconte que Shiva créa une cité qu’il plaça sur son trident. Il déclara que cette cité serait dédiée à l’ascèse et que les fidèles devraient s’y rendre pour bénéficier de son aura spirituelle. Une boucle d’oreille tomba de l’oreille de Shiva là où se trouve l’actuel Manikarnika ghât. Shiva apparut en ce lieu et consacra un lingam et déclara que ce lingam était une partie de lui-même. Il fit descendre la cité du haut de son trident et la plaça sur les bords du Gange. Ainsi naquît Vârânasî.
Nous quittons notre chambre d’hôte pour aller au bord du Gange ou nous voulons assister à la cérémonie du soir qui débute à 18.30h. Il nous faut environ une heure pour y arriver, les bouchons nous empêchant d’avancer ! Le spectacle de cette foule circulant dans tous les sens nous impressionne !
Fleuve le plus sacré du pays, le Gange s’étend sur plus de 3000 km. Il prend sa source dans les hautes montagnes de l’Himalaya pour se diviser en plusieurs bras et former un delta avant de se jeter dans les eaux du golfe du Bengale au Bangladesh.
Les bords du Gange sont un lieu de vie étonnant: les indiens y viennent sur les marches descendant vers le fleuve (ghâts) pour faire leurs ablutions pour se purifier mais c’est aussi là que l’on fait sa toilette, qu’on se lave les dents, que l’on fait la lessive et que les vaches viennent se rafraîchir.
On compte 88 ghâts à Vârânasî, ce sont en majorité des ghâts pour les ablutions et rituels hindous, les autres étant des ghâts privés ou de crémation.
Nous montons dans une petite barque et notre rameur nous emmène le long des ghâts jusqu’au ghât des crémations. Très vite, nous percevons l’ambiance de frénésie spirituelle qui règne dans ces lieux. Époustouflant !
On compte deux ghâts de crémation à Vârânasî, Manikarnika et Harishchandra. C’est à Manikarnika que nous observons les crémations en cours.
La crémation est un rite de passage pour les hindous et Vârânasî est considérée comme le lieu le plus sacré en Inde pour se faire incinérer. Celui qui meurt ici obtient la Moksha, la libération du cycle des réincarnations. C’est assez impressionnant tous ces foyers mais loin d’être choquant comme on nous avait dit. Ça ne sent pas non plus, les corps étant embaumés et recouverts d’huile essentielle.
Pour brûler, un corps nécessite beaucoup de bois. Sur le ghât où se déroulent les crémations, s’en élèvent d’énormes piles. Il est vendu au poids et revient très cher. Si les gens moins fortunés n’ont pas les moyens d’acheter suffisamment de bois de bonne qualité (le bois de santal est le plus cher), les restes des cadavres à demi consumés sont jetés dans le Gange.
A Vârânasî, la vie côtoie la mort en toute simplicité, comme une normalité. C’est aussi ça Vârânasî, une leçon de vie.
Enfin, lorsque le soleil se couche, notre rameur se faufile entre les barques pour nous positionner en face du lieu de cérémonie. L’atmosphère est vraiment particulière et il y a des milliers de personnes autour de nous sur l’eau.
Les ghâts se remplissent et l’Arti, la cérémonie du feu commence: face au Gange, plusieurs Brahmanes allument les mèches imbibées de camphre et font tourner les plateaux de cérémonies sur eux-mêmes puis les font circuler dans la foule de dévots. Ainsi, chacun peut profiter de la bénédiction des divinités, en approchant ses mains des flammes avant de les porter à son front.
Tous les sens sont sollicités lors de cette cérémonie. Outre le spectacle qui émerveille les yeux et l’odeur d’encens qui chatouille le nez, la musique a une place essentielle dans le rituel. Les chants hindous diffusés dans les haut-parleurs sont dédiés aux divinités, ils les glorifient et attirent leur attention, donnant toutes les chances de libération aux pujaris. Les dieux remerciés, le spectacle prend fin et la ville peut commencer à s’endormir paisiblement.
Lever à 5h du matin, une barque nous attends pour le lever du soleil sur le Gange. En une heure de temps on passe de la nuit noire à une aube brumeuse un peu fraîche et enfin le soleil apparaît et vient éclairer tous les ghâts qui s’activent déjà : ablutions et prières, crémations toujours, lessives aussi.
Débarqués alors que le soleil ne chauffe pas encore trop, nous continuons notre promenade à pied dans le vieux Vârânasî où nous déambulons dans les ‘galis’, les venelles de l’ancien quartier (Chowk) aux façades colorées. Dans le Chowk, les ruelles sont tellement étroites que même les rickshaws ne peuvent pas y aller ! Seuls quelques vélos, mobylettes, les vaches, les chèvres, les chiens et les piétons peuvent s’y aventurer. Inconvénient majeur: les bouses de vaches qui sont parfois difficiles à éviter !
Les ruelles sont un véritable labyrinthe ou on trouve de tout, des boutiques pour touristes mais aussi de minuscules restaurants, café internet… et vendeurs de tout.
On a aimé s’y balader, boire un massala chai pendant que Ram allait faire ses prières dans un temple interdit aux non hindous et ‘observer tout ce qui se passe autour de nous. Il règne une ambiance très spéciale dans ce vieux quartier, on a l’impression d’être au Moyen Age !
Etant à Vârânasî, on en profite pour aller 10 km plus loin et découvrir Sarnath. Sarnath est un endroit très important pour les bouddhistes puisque c’est là que Bouddha a fait son premier sermon.
Par conséquent Sarnath est l’une des 4 villes sacrées du bouddhisme. En fait, Sarnath est une citée qui attire pas mal de monde : des moines, des bouddhistes, des hindous, des étrangers comme nous… Il y a différents sites à voir. On a commencé notre visite en allant voir le site archéologique de Sarnath, c’est à cet endroit que Bouddha aurait prononcé les quatre nobles vérités.
Aujourd’hui on peut voir à Sarnath de nombreuses ruines de stoupas et temples construits à diverses périodes. Le Dhamekh Stoupa s’élèverait à l’endroit où Bouddha prononça son premier sermon.
Cette balade à Sarnath s’est révélée fort agréable et après la frénésie de Vârânasî nous avons apprécié le calme qui règne dans ces lieux.
En quittant le site de Sarnath, nous arrivons dans une fête de mariage et sommes invités à venir faire quelques photos.
En Inde, la grande majorité des mariages sont encore décidés suite à un accord entre les parents. Mais il faut bien avouer que la cérémonie du mariage en elle-même est splendide. Plusieurs rituels sont très beaux : le sari rouge et or que porte la mariée le jour-J ; l’arrivée du marié à dos de cheval, les somptueux buffets installés dans de grands jardins ; les festivités qui s’étendent sur plusieurs jours, etc. Les familles, soucieuses d’afficher leur rang, sont prêtes à se ruiner dans des cérémonies fastueuses.
En fin de journée, nous retournons une dernière fois sur les ghâts de Vârânasî pour nous imprégner encore une fois de toutes ces images.
Nous sommes vraiment contents d’y être retournés car en cette fin d’après midi, Vârânasî nous offre à nouveau le long de ses ghâts l’hindouisme dans toute sa splendeur.
Tout y est : les apprentis yogis dans des postures incongrues, des sâdhus en pleine méditation, la foule de pujaris déjà réunis pour assister à l’Arti, les veuves reconnaissables à leur crâne rasé, les crémations, les barbiers, les masseurs qui proposent leurs services…oui, Gérard s’est fait avoir pour un massage des mains et des bras qui lui a fait du bien quand même !
Les ghâts sont un véritable lieu de vie pour les habitants de Vârânasî mais également pour les milliers de pèlerins quotidiens et bien évidemment un lieu d’observation idéal pour les voyageurs. C’est l’endroit clé à Varanasi pour s’imprégner de la ville, des traditions mais aussi pour mieux comprendre la religion hindoue. Au milieu de toute cette agitation, on retrouve aussi des vaches, chèvres, chiens ou encore singes.
A Vârânasî, il n’’y a pas d’époque, il n’y a pas d’heure. C’est la religion qui rythme la vie, rien d’autre. Jamais sans doute dans un même lieu, la vie et la mort n’ont été si proches.
Si vous passez par Vârânasî, vous n’oublierez pas cette ville et la Gange de sitôt !